Veyreau. Le château du Maynial (vallée de la Jonte)

Marc Parguel
Marc Parguel
Lecture 17 min.
Vestiges du château (2 mai 2008). DR

[dropcap]S[/dropcap]itué dans les Gorges de la Jonte à 3 km au Nord Ouest de Veyreau, le château du Maynial dominait à l’est le village du même nom, du XIVe au début du XVIIIe siècle : « Una pessa de terra appelada la Comba scituada dejost lo castel confr. devers lo cap am lo camy public deld. Maynial tira vers lo pon » (3 avril 1553, Vidal).

Il occupait un emplacement stratégique de premier ordre. Albert Carrière disait dans son cahier manuscrit« Aperçu des Gorges de la Jonte » (1918) : « Maynial de Ménia = rempart (trois Maynial que je connais sont bâtis dans une situation stratégique . Il est à peu près sûr que les Romains avaient établi là bien avant un poste fortifié pour commander le passage de la Jonte sur le chemin qui venait de Saint Jean des Balmes et franchissait le Méjean. »

Le Maynial (Photo © Pierre Solassol)

Le château commandait l’importante voie de communication qui suivant le cours de la Jonte permettait les échanges entre Meyrueis et Millau, et aussi l’accès au Causse Noir. L’ancien chemin d’accès au Maynial depuis la Jonte aboutissait certainement à son entrée. Ce sentier existe toujours, il passe derrière une des dernières maisons du village, descend jusqu’au bord de la Jonte où l’on peut encore voir sur la rive opposée un vestige de l’ancien pont du Maynial.

Vue de la vallée de la Jonte depuis le chemin du Maynial. DR

Du château fort, il ne restait au début du XXe siècle qu’un mur d’une douzaine de mètres de long aujourd’hui réduit à huit, qui part en angle droit et qui est certainement à la base de la grande tour carrée dont parlent les anciens documents. Il existe aussi un monceau de ruines en moellons réguliers et une citerne souterraine longtemps cachée sous les décombres, les gens du pays ignorent même son existence passée.

Comme l’indique Albert Carrière dans le Journal de l’Aveyron en 1930 : « Dans la localité, les habitants eux-mêmes ignorent la place de leur ancien château. L’un deux à qui je demandais des renseignements, finit par me dire : « Peut-être est-ce là où on a découvert une citerne souterraine en haut et à 100 mètres à l’est du village. » Au point indiqué est un amoncellement peu considérable de décombres recouvert par la végétation. La citerne a été vidée dans l’espoir d’y trouver « quelque chose », mais les fouilleurs ont été déçus. Au-dessous de ces vestiges, on voit un mur de petits moellons réguliers mesurant environ 10 mètres sur 1m50. C’est tout ce qui reste de l’édifice. » (Journal de l’Aveyron, 7 décembre 1930).

Ruines et citerne (2 mai 2008). DR

[padding right= »10% » left= »10% »]Franck Larrouy, habitant du Maynial a pris ces quelques notes au sujet de ces ruines : « J’ai personnellement fait quelques sondages autour de ces vestiges. Devant la citerne à une profondeur d’environ cinquante centimètres, il semble y avoir un pavage. Une série de cinq sondages faits au-dessus de la citerne laissent entrevoir qu’il y aurait là aussi des vestiges de construction. Un habitant du Maynial aujourd’hui décédé m’avait affirmé l’existence de salles souterraines aux alentours de la citerne. D’autres habitants ont observé qu’après une chute de neige elle fond plus rapidement à certains endroits qu’à d’autres, ces emplacements ont une forme rectangulaire. Ce phénomène indique toujours une cavité souterraine proche de la surface du sol. Une tradition parle aussi de l’existence d’un souterrain qui partirait de la chapelle et dont l’issue serait proche d’une ancienne bergerie. » (Note dactylographiée).[/padding]

Au XVIe siècle, nous savons que cette forteresse comprenait une grande tour carrée qui fut détruite en partie pendant les guerres de religion, et une autre tour (celle-ci ronde) était située à l’extrémité est du champ qui domine les plus hautes maisons du village, vers la Combe. De plus, Il y avait une chapelle dans le château du Maynial dédiée à St Blaise et à Saint Julien qui ont plusieurs miracles à leurs actifs. Sa prise de possession remonte au 19 juin 1549. A cette date, M. Antoine Boysset rentier des émoluments du château du Maynial confère à André Benezech, la chapelle de Sainte Blaise fondée dans le château du Maynial par les feux seigneurs du lieu comme idoine (vieux français : propre à prendre le bénéfice) et suffisant (19 juin 1549, Vidal).

Intérieur de la chapelle avant restauration. DR

Propriétaires

Ancien château de la famille del Maynil, dans la vallée de la Jonte (XIIIe siècle), qui devint au XIVe siècle la résidence des Crozapeira. En 1387, Raymond de Croza Petra en était seigneur (A.D.Aveyron, 7 H 6 fol. 2 v). Il succédait à Brenguier de Rupe qui s’opposa en 1381 à la construction d’un fort, entreprise au Maynial par le Vicomte de Creissels (A.D.Tarn et Garonne, A 323).

Raymond de la Roque était seigneur du Maynial en 1396 ; sa fille l’apporta dans la maison d’Albignac, au début du XVe siècle ; par la suite les de Thubières s’en rendirent propriétaires puis, en 1611, Jean de Thubières, baron de Verfeuil, le vendit à son frère bâtard, Laurent de Thubières, sieur de la Boscouse, qui ne put relever les ruines du siècle précédent. Les d’Albignac succédèrent à nouveau aux de Thubières comme seigneurs du Maynial.

Historique

Le premier document connu qui mentionne une construction à usage militaire au Maynial date de 1381. Le seigneur Brenguier de Rupe s’oppose au vicomte de Creissels qui veut bâtir un fort au Maynial (Archives Départementale de l’Aveyron, A 323). Il semblerait d’après ce document qu’il n’y avait pas avant cette date de forteresse édifiée au Maynial.

Il ne semble pas avoir joué de rôle durant la guerre de Cent Ans. Il en sera autrement durant les guerres de religion.

En 1566, le Maynial était tenu par les catholiques et servit de refuge à des bourgeois et des ecclésiastiques qui fuyaient les protestants.Me Aldebert de Saint Rome de Dolan, craignant d’être rançonné ou meurtri par les protestants se réfugie dans le château. Il fait une donation au baron de Verfueil seigneur de Capluc, le Maynial, Veyreau, etc.pour reconnaître la sûre hospitalité qu’il lui offre. M.P.Jory, prêtre d’Helzas, fait dans les mêmes circonstances une autre donation au même seigneur (1569) : En 1569, M.P.Jory se refugie au château contre les protestants, auprès de noble Loys Grimoard escuyer seigneur et baron de Verfuel.

Après qu’il ait servi de refuge à des bourgeois et des ecclésiastiques qui fuyaient les protestants de 1566 à 1569, un acte d’achat passé entre Noble Laurens de Thubières par le baron de Verfeuil le 31 mai 1611 dans le château de Veyreau nous apprend que : « Le château et place du Maynial avoir esté pris et repris par ceulx des contraires parties et que auroient tombé partie de la grande tour et autres deffances du dit château, lequel despuis auroyt demeuré inhabitable, les couverts, portes, fenestres et planchers ruynés, pour lequel réédifier et remettre en son premier estat commandroit faire de grandes despances, à cause de quoy, n’ayant ledit seigneur baron vollonté le réparer pour n’y voulloir autrement faire rédidance, ayant esté prié et requis par noble Laurans de Thubières, fils naturel de feu Jehan de Thubières-Grimoard, sgr et baron de Verfeuil, son père de lui bailler par inféodation ledit château du Maynial et les preds et vignes ruinées qu’il a audit Maynial, se faisant faire réparer le dit château et remettre les dites terres et faire sa résidance continue audit château, à ceste cause, ledit seigneur baron de Verfeuil, désirant gratifier le dit noble Laurans de Thubières, présent pour luy et ses hoirs et successeurs estipullant et acceptant, scavoir est le dit château ruiné du Maynial, en la forme qu’il est, soy réservant toutesfoys la grande tour carré d’iceluy pour en faire et dispauser à tous ses plaisirs et vollontés » (Fait dans la salle du château de Veyreau, en présence de Me Fulcrand Rabier, prêtre et recteur de Saint-André-de-Vézines, Jean Gely, docteur es droicts, notaire royal à Meyrueis, 3 E 5307/9814).

Nous voyons là que malgré son état, Jean de Thubières-Grimoard l’inféode avec quelques terres attenantes (jardin, pré et vigne au bas du village, à noble Laurent de Thubières sieur de la Boscouse – un bâtard de son père sous les entrées de 600 l. Mais ce dernier est également bien incapable de relever les ruines de la grande tour carrée du château. Il y réside cependant en 1613 et y mourra après le 23 mai 1620.

D’après Albert Carrière : « Il est probable que Jean de Thubières, fit l’aliénation du château du Maynial parce qu’il était dans des embarras d’argent. Certes les terres ne lui manquaient pas et la baronnie seule était arrentée 1500 écus (mars 1600), mais il avait dû doter quatre sœurs. Il nous l’apprend lui-même. Le 22 février 1602, il fait assembler ses principaux sujets – 7 de Veyreau, 10 du Maynial, 2 du Villaret, etc. – et leur remontre que par les titres et reconnaissances qu’il a en main outre les censes et autres droits seigneuriaux, lesd. Habitants dud. Mandement du Maynial sont tenus et doivent contribuer au mariage des filles de lad. Maison et seigneur du Maynial et Veyreau et que depuis le décès de feu noble Jean de Thubières, baron de Verfueilh son père, il aurait marié trois de ses sœurs : Dlle Marte avec le Sr de Taurines, Dlle Antoinette avec le Sr de Reulhac, et Dlle Anne avec le Sr de la Coste sans que lesd. Sujets desd. Mandements ayant encore rien contribué pour lesdits mariages. Les susnommés tant pour eux que pour les autres habitants dud. Mandement disent estre véritable que par leurs titres…tout le mandement du Maynial est tenu de contribuer pour le mariage de chaque fille dud. Sr baron pour une fois la somme de 10 livres que deviendrait pour les trois filles mariées à 30 livres, somme qu’ils offrent cotiser, lever et payer aud. Baron dans le terme qu’il lui plaira. Le baron leur donne 14 jours pour cela (21 février 1602, Gély). Il marie au seigneur de Montméjean sa quatrième sœur Marguerite qui a une dot de 6000 livres, somme dont Montméjean lui fait quittance le 22 septembre 1609 (Gely). Le baron avait donc dû payer pour les quatre dots 24 000 livres. Cette dépense considérable explique aussi pourquoi il ne tarda pas à vendre la terre de Veyreau et du Maynial à Simon d’Albignac, seigneur du Triadou et Peyreleau et pourquoi il se contente de l’inconfortable et triste résidence de Veyreau. Le sieur de la Bouscouse, l’acquéreur des ruines du château, était un pauvre sire incapable de les faire relever et le temps se chargea de parfaire l’œuvre des huguenots. » (Journal de l’Aveyron, 7 décembre 1930).

Derniers vestiges du château. DR

L’accroissement du village de Veyreau « où il y a un château déjà en réparation en 1607 et plusieurs maisons » (Archives paroissiales Veyreau, 16 mai 1674) enleva au Maynial son importance ; son château ruiné fut abandonné au profit de celui de Veyreau après la mort de Noble Laurens De Thubières, sieur de la Bouscouse en 1620.

Bien plus tard, c’est le sieur Argeliez qui acheta les ruines…A l’extrémité est du champ qui domine les plus hautes du village, on y voyait encore au début du XIXe siècle quelque pans d’une vieille tour.

Ayant appris la découverte d’une marmite dans les sous-sols du château de Veyreau, et connaissant aussi la trouvaille sous la marche d’un escalier du château de Peyreleau de deux caisses remplies d’argent, Antoine Argeliez propriétaire du château,  rasa, tous les vestiges de ce qui restait de la forteresse du Maynial en 1860.

Le bruit courut très peu de temps après qu’en démolissant ces vieux murs, Argeliez aurait mis la main sur une petite fortune ; tout comme en 1792 les révolutionnaires auraient surpris un gros trésor sous les marches de l’escalier du château du Triadou. Ce qui fit croire à cette trouvaille, c’est que les quelques années qui suivirent, il sembla vivre dans une aisance relative et fit quelques acquisitions. Lui cependant disait à qui voulait l’entendre que tout son trésor, c’était quelques vieilles pièces de menue monnaie, qui, montrées à un connaisseur, furent déclarées par celui-ci de nulle valeur.

DR

On dut reconnaître qu’Argeliez, et malheureusement pour lui, n’avait dit que la vérité. Vers 1890, il fut obligé, pour acquitter une partie seulement de ses dettes, de vendre tout son avoir, il abandonna le Maynial et alla finir ses jours à Peyreleau. (Note de l’abbé Jules Espinasse, manuscrit Veyreau, 1891).

Son geste démontre bien qu’en ces temps-là, on croyait ferme à ces trésors jusqu’à être poussé par la folie de tout détruire. Il faut dire que les langues se déliaient souvent au sujet de trésors cachés pendant les guerres de religion. Depuis, le château ou plutôt ce qu’il en reste a servi de carrière de pierres aux habitants du Maynial pour construire leurs maisons. Voici pour témoigner la photo que j’ai prise des restes du château le 2 mai 2008. Un panneau indique en lettres rouges « Château fort du Maynial, XIVe-XVe siècle, citerne, respectez ces restes, merci ».

Marc Parguel

Partager cet article