[dropcap]C[/dropcap]e mercredi 17 février, les agriculteurs de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) et des Jeunes Agriculteurs (JA) ont voulu « envoyer un signal fort à Paris ».
Pour cela, une trentaine de tracteurs ont roulé sur le Viaduc de Millau un peu après 11h30, pour ce qui devait être « un événement de grande ampleur pour l’agriculture aveyronnaise ainsi que tous nos territoires ».
Si l’intention était louable, et les manifestants bien présents (ils étaient plus d’une centaine à se réunir à l’aire de vision pour assister au spectacle, dont Jean-Claude Anglars, sénateur de l’Aveyron), un invité surprise est venu jouer les trouble-fête : le brouillard. Une vraie chape de coton telle que la cuvette de Millau en connait bien souvent, alors que le soleil donnait un petit air de printemps aux causses environnants.
Les enjeux de la prochaine PAC en question
Les tracteurs, qui ont traversé l’ouvrage qui relie l’Aveyron à Paris en provenance du sud, étaient porteurs d’un message : « Soutenez l’élevage de montagne ». Une façon de rappeler les enjeux pour notre territoire de la prochaine Politique Agricole Commune.
Prévues pour 2023, les négociations de la PAC ont en effet d’ores et déjà commencé, et cette opération était mise sur pied pour rappeler les spécificités de l’agriculture de montagne, de la ruralité et celles des petites exploitations…
« Cette politique a vocation à soutenir nos agriculteurs, elle se doit donc d’être en adéquation avec nos territoires et nos productions, revendiquait Laurent Saint-Affre, président de la FDSEA de l’Aveyron. C’est pour envoyer un signal fort à Paris, et faire entendre le message de notre territoire que les agriculteurs ont traversé l’emblématique Viaduc de Millau en tracteur ».
« Des conséquences sur l’économie aveyronnaise »
Une action symbolique, mais importante dans un contexte actuel où le climat n’est « pas serein ». Baisse du prix d’achat des broutards, négociations difficiles avec la grande distribution, difficultés des filières lait et viande, reprise des négociations de libre-échange avec le Mercorsur…
« C’est un climat général qui nous inquiète tous profondément, assure Laurent Saint-Affre, et dans ce climat-là, les négociations de la PAC ne débutent pas dans le sens qu’on aimerait les voir évoluer ». Et de mettre en avant les trois plus gros sujets de préoccupation.
Tout d’abord, le budget de l’Indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN). « Notre enveloppe budgétaire est remise en cause, et d’autres secteurs géographiques lorgnent sur notre enveloppe qui défend les élevages de montagne, les territoires difficiles ». En Aveyron, 6.000 des 7.000 dossiers PAC bénéficient de l’ICHN.
Ensuite, les agriculteurs de la FDSEA et des JA espèrent le maintien des aides couplées (on parle d’une « aide couplée » lorsque le fait de toucher une aide et le montant de cette aide dépendent directement des quantités produites, et non de la taille de l’exploitation, NDLR).
Les manifestants défendent enfin la définition même de l’actif agricole, pour que « seuls les agriculteurs qui participent à l’acte de production et à la vie économique puissent bénéficier des aides ».
« On est à un tournant pour les 10 prochaines années. Ce qu’on perdra au début 2023 pour la future PAC, ce sera perdu et on en subira les conséquences, sur nos revenus, et sur l’économie aveyronnaise en général », résume Romain Déléris, président des Jeunes Agriculteurs de l’Aveyron.