Décès d’Odette Noyrigat : « C’est tout un pan de l’histoire de Millau qui s’efface »

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« Il faudra que je me souvienne
Plus tard de ces horribles temps
Froidement, gravement, sans haine
Mais avec franchise pourtant… »

Michèle Maurel. Ravensbrück, un camp très ordinaire.

Avec la mort de Madame Noyrigat, c’est tout un pan de l’histoire de Millau qui s’efface. C’est celui de l’honneur de notre ville porté par la Résistance, avec pour quelques-uns, les moins chanceux, les plus actifs peut-être, l’arrestation, les interrogatoires, les violences et la déportation. Membre de la CGT et du Parti communiste, entrée en ganterie à 13 ans, engagée dans les combats contre l’occupant et pour une société de justice, en danger dans sa cité, elle rejoignit l’Hérault pour continuer son action.

Arrêtée à Béziers le 21 juin 1944, conduite à la prison allemande de Montpellier, elle fut déportée à Ravensbrück. Depuis ce camp de femmes, d’abord réservé aux détenues politiques, elle fut affectée au commando de Neubrandenburg, un dur camp de travail, à 40 km au nord, près de la Baltique. Entourées de déportées d’Europe centrale, les Françaises y étaient minoritaires. Mais là comme ailleurs se nouaient toutes les solidarités.

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A l’issue de la guerre, revenue de l’horreur, celle qu’à Millau on appelait affectueusement, mais avec respect « Suze », prit le flambeau de cette mémoire, pour qu’elle vive. Présidente aveyronnaise de la Fédération nationale des Déportés Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP), elle intervint pendant des années dans les classes, « froidement, calmement et sans haine… ». Accompagnée de son « petit musée portatif », sa veste de déportée, ses papiers, le menu que ses camarades avaient imaginé pour son 25e anniversaire…, elle parlait de la vie dans les camps au présent : « Quand vous arrivez, vous êtes brutalisé, ça crie, ça hurle, on ne comprend pas les ordres, les coups pleuvent… » Elle intervint devant ces publics scolaires, toujours captivés par ces témoignages de vérité, jusqu’à la limite de ses forces.

Que restera-t-il demain de l’évocation de ce temps de violences, d’horreur et de barbarie ? Des vestiges, des documents, des images, des livres. Les bouches de ceux qui ont traversé ces atrocités se sont tues. Qui nous avertira de la venue des nouveaux bourreaux ?

« A Ravensbrück en Allemagne
On torture on brûle les femmes …
Elles sont loin dans le soleil
Et ont espoir en notre espoir ».

René-Guy Cadou. La Résistance et ses poètes. 1965.

L’équipe de la Main Chaude

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Odette Noyrigat dit « Suze », figure millavoise, ancienne résistante déportée et Présidente de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) de l’Aveyron, vient de nous quitter à l’âge de 101 ans.

Avec elle, c’est une infatigable passeuse d’Histoire et de mémoire qui vient de s’éteindre. Un des derniers témoins des turbulences des plus terribles évènements du XXe siècle.

Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, « fiancée » de Louis Noyrigat, jeune communiste millavois menant avec son père la lutte armée des maquis, Odette Brengues fut elle aussi combattante dans la Résistance millavoise. Arrêtée à Béziers le 21 juin 1944, elle est déportée à 24 ans au camp de Ravensbrück en Allemagne. Dans ce camp, centre de détention des femmes et d’enfants le plus important du Reich où au moins 132 000 femmes et enfants seront déportés et où entre 20 000 et 30 000 y périrent, elle côtoiera des détenues de tous les pays d’Europe occupés par l’Allemagne nazie.

Des opposantes politiques ou résistantes françaises comme elle, polonaises, allemandes, prisonnières de guerre russes, mais aussi détenues raciales juives, tziganes, roms, sintis, des « hontes de la race »… Dans ce camp, véritable camp de la mort, lieu de travail forcée et d’expériences médicales contraire à toute morale, les détenues portent un triangle coloré selon leur catégorie, une lettre au centre indiquant leur nationalité : rouge pour les prisonnières politique (le cas de Madame Noyrigat), jaune pour les juives, vert pour les criminelles de droit commun, violet pour les témoins de Jéhovah, noir pour les tziganes et les prostituées…

Toutes prisonnières, comme l’a rappelé avec émotion son fils Jacques lors de la récente cérémonie de la journée nationale de la Déportation, d’un inframonde où régnaient la famine, la promiscuité, le typhus, les violences, les chiens lâchés, les chambres à gaz et la mort toujours présente. Un inframonde où, malgré l’abjection d’un processus de déshumanisation organisée leurs bourreaux ne réussiront t pas à broyer ce qu’il y a de plus beau en l’homme, et où se formèrent de beaux élans d’empathie et de belles solidarités entres détenues par le biais de dessins, d’écrits, de petits travaux de couture et de broderie confectionnés avec des matériaux volés aux SS.

A ce titre, Odette Noyrigat avait précieusement gardé un menu imaginaire élaboré par ses codétenues à l’occasion de son anniversaire. Autant de façons de montrer qu’elles n’étaient pas des matricules, mais des êtres humains, autant de façons de démontrer que la plus petite fleur peut toujours éclore sur le pire tas de fumier…autant de façons de résister à la barbarie.

Rescapée de l’horreur après l’évacuation du camp en mars 1945, Odette Noyrigat n’aura de cesse par la suite de témoigner, de préserver la mémoire de ses compagnes d’infortune tuées par les nazis. Partager les traces de cette force de vie qui a pris le dessus sur les ténèbres. Témoigner, mais aussi alerter afin que de telles abominations ne puissent se reproduire.

Par son action au sein de la FNDIRP et au cours des cérémonies officielles de commémorations bien entendu, mais surtout en intervenant, dans divers établissements scolaires de Millau et du département dans le cadre du concours annuel national de la résistance et de la déportation. Permettant par son témoignage authentique et vivant à plusieurs générations de jeunes d’éveiller leur conscience citoyenne et de mieux connaitre et appréhender une des périodes les plus sombres de notre Histoire contemporaine.

Son parcours de vie, sa force morale exceptionnelle et son énergie méritent notre respect, notre souvenir et notre considération collective. La Ville de Millau, sa maire et l’ensemble de son conseil municipal reconnaissants, présentent leurs très sincères condoléances à son fils Jacques et à son épouse, à ses petits-fils Benoit et Pierre-Louis, à l’ensemble de sa famille et à ses proches.
« Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde »… N’oublions jamais !

Michel Durand,
Adjoint à Madame la Maire délégué aux Anciens Combattants

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