[dropcap]C[/dropcap]e vendredi 11 juin, c’est dans un « Carré de Vie » de l’entreprise Boissière, à Saint-Beauzély, que les candidats de « L’Aveyron pour Tous » sur le canton de Millau 1 avaient donné rendez-vous à des acteurs économiques locaux.
Si l’objet de la rencontre était de « débattre et définir la vision » des candidats « pour le département de l’Aveyron de demain », les échanges à bâtons rompus ont vite été au-delà des compétences du Conseil départemental, qui rappelons-le a perdu une partie de sa compétence économique au profit de la Région ou des communautés de communes.
« Nous sommes dans une volonté très forte de donner à l’Aveyron un élan, une dynamique. Nous avons repris l’ensemble des compétences du Conseil départemental une à une et on a apporté à chacune des innovations », a introduit Arnaud Viala, qui accompagnait les candidats du canton, Hélène Rivière et Claude Assier (et leurs remplaçants Véronique Moréno et Sébastien Combès). « On s’est dit que c’est en jouant collectif que l’on gagne, et nous pensons que le niveau départemental est le bon pour faire se rassembler les énergies au service du département. Nous avons la volonté très forte que ce niveau soit celui où se rencontrent les acteurs publics et les acteurs privés », a souligné le candidat, avant d’évoquer l’un des projets de l’Aveyron pour Tous : la création d’un Conseil économique social et environnemental départemental. « Une structure pilotée par quelqu’un qui ne sera pas un élu, avec des collèges représentant des entrepreneurs et différentes personnes qui vont venir éclairer les décisions que prendra l’assemblée départementale. »
« On a quelques idées à mettre sur la table »
Malgré les compétences qui ont échappé aux départements ces dernières années, Arnaud Viala et les candidats de « L’Aveyron pour Tous » entendent bien, une fois élus, « être aux côtés des acteurs économiques locaux ».
« Le Conseil départemental a une grande compétence en matière d’emploi et d’insertion, et nous rencontrons tout au long de la campagne des entrepreneurs, tous domaines confondus, qui n’arrivent pas à recruter, assure Arnaud Viala. On veut étirer la compétence en matière d’insertion pour conduire de vraies actions sur l’emploi et le recrutement, et on a quelques idées à mettre sur la table. La première sera de revisiter un peu la manière dont le RSA fonctionne afin que ce soit vraiment un tremplin vers le retour à l’emploi. On veut également faire des actions coup de poing sur l’emploi et le recrutement en lançant par exemple de grandes campagnes de communication sur le recrutement. Enfin, le Conseil départemental reste le premier aménageur public et par ce biais-là et le lien étroit que l’on veut tisser avec les communautés de communes, on veut réinjecter de l’argent des contribuables aveyronnais dans l’économie locale. »
Une mise en œuvre de ces projets qui se ferait « dès le mois de juillet » et en profitant notamment du prochain départ à la retraite de certains cadres du Conseil départemental, qui emploie environ 1600 personnes. « On va pouvoir reconfigurer la gouvernance interne pour la faire coller au projet politique que l’on porte, explique le candidat Viala. Avec son budget de 400 M€, le Conseil départemental fonctionne, mais nous, on veut avoir un cap que l’on fixera aux équipes. Avec en toile de fond la volonté de renforcer l’attractivité du département. Ça ne sera pas une opération de communication, on veut véhiculer le message de la campagne : on est là pour porter avec vous un Aveyron moderne et conquérant. »
« Redonner aux territoires des moyens et des compétences »
Si les hochements de tête sont de rigueur, les chefs d’entreprises réunis par Frédéric Boissière sont vite rentrés dans le vif du sujet, profitant de la présence des élus et des candidats pour mettre sur la table leurs préoccupations actuelles. A commencer par Denis Carrière, dirigeant de la Techmay, qui regrette « que l’on ne fasse pas entrer la fiscalité locale dans les diagnostics que l’on fait pour définir l’attractivité » ou qui craint qu’avec les contraintes imposées par le Parc naturel des Grands Causses, « qui s’immisce partout », le Sud Aveyron ne devienne « une sorte de réserve d’Indiens… »
« J’ai envie d’amener au Conseil départemental la connaissance que j’ai de l’Aveyron et des réseaux nationaux pour aller chercher des expérimentations au niveau national, répond Arnaud Viala. Par exemple une loi va être soumise au parlement qui a pour vocation de redonner aux territoires des moyens et des compétences. Si en face de ça il n’y a pas des collectivités suffisamment motivées, innovantes et qui ont le savoir-faire pour aller lever la main et dire » OK on y va « , ça ne produira rien. J’espère que cette loi va suffisamment desserrer l’étau pour que demain le Conseil départemental puisse revenir aux côtés de la Région et des communautés de communes pour façonner le développement économique du territoire. »
« On ne rentre pas en Lozère, mais eux ils viennent chez nous ! »
De son côté, Frédéric Boissière est monté à la charge au sujet des marchés publics lancés par le département. En prenant un exemple très concret. « Pour la construction du collège de La Cavalerie, j’étais mandataire d’un groupement 100 % aveyronnais. Nous avons répondu à l’appel d’offres au moment le plus critique de la crise sanitaire lors du premier confinement, en ayant le souci du lendemain. En tant que mandataires, nous avons appelé les élus, dont Jean-François Galliard, pour qu’ils soient vigilants quant à notre candidature. Il s’avère que ce marché, on ne l’a pas eu, il est allé à une entreprise qui emploie 30 à 35 personnes en Lozère, alors que notre pôle d’entreprises représentait plus de 100 personnes localement ». « Nous avions la meilleure note technique, la meilleure note environnementale, mais c’est seulement le prix en bas à droite qui a compté, se désole le dirigeant, tout colère. On ne demande pas de passer outre la loi des marchés publics, on demande juste que vous soyez vigilants, vous élus. (…) Pourquoi en Aveyron on n’est pas fichus d’avoir un minimum de protectionnisme ? »
« Pourquoi on n’est pas fichus de rentrer en Lozère ? » demande-t-il, en assurant avoir été évincé d’un marché lozérien quelques semaines après alors qu’il avait le meilleur prix. « Ils ont favorisé une entreprise locale… On ne rentre pas en Lozère, mais eux ils viennent chez nous ! », peste le dirigeant.
J’ai reçu Jean-François Galliard même si je ne voulais pas le recevoir, parce que je suis quand même assez vexé de cette situation. Aujourd’hui on perd confiance envers les élus qui font des promesses qu’ils ne respectent pas ». Frédéric Boissière
D’autres sujets ont été évoqués, à chaud. Celui de la difficulté de recrutement en Aveyron « à tous les niveaux », avec « une grosse pénurie de main-d’œuvre et des travailleurs pas suffisamment valorisés », la fibre optique qui n’est toujours pas installée dans les entreprises locales malgré les promesses d’Orange et du SIEDA, la hausse vertigineuse du prix des matières premières et les problèmes d’approvisionnement… « On est en train de se disputer la marchandise, dit Frédéric Boissière à ce sujet. On va se battre pour pouvoir continuer à travailler un minimum. Le problème d’approvisionnement, c’est le malaise de demain, les problèmes induits par le COVID ne sont rien à côté de ce qui est en train de se passer… ».
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« Tous les matins je me lève avec enthousiasme, j’ai envie »
Interrogé par Frédéric Boissière sur la vacance du poste de député du sud Aveyron en cas d’élection d’Arnaud Viala à la tête du Conseil départemental, l’intéressé en a profité pour s’expliquer, en taclant au passage le président sortant.
« J’ai été élu député en 2015, réélu en 2017 et je me suis engagé passionnément dans ce mandat. Je ne chôme pas et je donne le meilleur de moi-même. Jusqu’à il y a quelques mois, ma perspective était d’être candidat aux élections législatives de 2022 pour une dernière fois. Ce n’est pas par peur que je cherche à esquiver cette élection, mais les liens très forts avec les élus sortants du Conseil départemental m’ont amené à prendre conscience qu’au département il y a une difficulté liée au fait que cette équipe ne souhaitait pas en 2021 s’aligner de nouveau derrière le président sortant. Je pense que la stratégie n’était pas suffisamment apparente, les élus ne s’y retrouvaient pas en termes de volonté politique, de cap, et puis il y a des raisons de gouvernance un peu mise de côté par rapport à l’administration qui a pris le pas. Les élus sortants ont fait la demande que je revienne. Alors j’ai analysé les choses. Le mandat de député va jusqu’en juin 2022. Si je suis élu au département, le 1er juillet, j’ai un mois pour démissionner, chose que je ne ferai que le dernier jour. En août et septembre, il n’y a pas de session parlementaire. Ensuite il reste trois mois avant qu’on ne bascule dans la présidentielle. Je ne dis pas que ça ne m’ennuie pas que pendant trois mois il n’y ait pas de député du sud Aveyron, mais j’ai jugé que c’était tenable. »
« Ce n’est pas un choix de carrière, c’est un choix du cœur », continue Arnaud Viala, mettant en avant son attachement à son territoire. « Je pense que c’est là que je peux être le plus utile. Il y a quelque chose qui me convainc tous les jours que c’est le bon choix. Tous les matins je me lève avec enthousiasme, j’ai envie. »