Gastronomie locale : Le lapet

Marc Parguel
Marc Parguel
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A Montels (commune de Millau) en 1950 (photo : © Jean Parguel)

Le lapet ou lou lapet n’est autre qu’un caillé de lait de brebis salé et poivré, apparenté au yaourt et qui le surpasse au point de vue nutritif et diététique.

Ce produit sain et savoureux ne figure plus dans nos ouvrages de cuisine régionale. Un des rares livres évoquant le sujet est celui de Jean Delmas intitulé « autour de la table » (1983) qui reprend les propos de Mme Vialette de Saint-Jean d’Alcas : « le lait de brebis était mis à aigrir dans une oule en terre avec du sel et du poivre. Au bout de quelques jours, ce lait se caillait. On le mettait à égoutter et on en mangeait pendant un mois ».

Dans certaines fermes on se servait aussi des bidons fournis par Roquefort qui avait servi toute la campagne à transporter le lait ou de grosses oules en terres hermétiquement fermées pour réussir ce formage particulier plein de saveur.

Le lapet se présente sous l’aspect de caillots très fins recouverts d’une couche crémeuse. Il se mange non à la cuillère, mais lapé, d’où son nom, avec des mouillettes de pains rassis. Ce caillé peut-être, en fin de période de traite, une utilisation du lait que Roquefort ne collecte plus. Lorsque le lait était au maximum de sa concentration, au lieu de le jeter, dans les fermes, il était de coutume de le transformer en « lapet ». Il convient de préférer le lait provenant de « parcours caussenards », ces terres maigres donnent une herbe plus savoureuse que celle de prairies riches. Certains en raffolent.

Comme dirait Juliette Andrieu, « ceux qui n’aiment pas n’y ont jamais gouté ou n’ont gouté qu’un «lapet » raté. Car étant fait d’une manière empirique, il arrive en effet de ne pas le réussir. C’est pourquoi avant d’utiliser cette recette sur une grande échelle, il serait prudent de déterminer avec précision les doses de sel et de poivre à ajouter et la température idéale pour obtenir un produit égal et de qualité. (Pour 5 litres de lait très propre et tiède, il faut compter 100 grammes de sel et 15 grammes de poivre moulu) ».

La recette nous est détaillée par Pèire de Vairau (Pierre Solassol) : « Mettre dans un bocal ou une bouteille à large goulot 1 litre de lait, 1 cuillérée à café de sel, poivrer selon le goût de chacun, laisser le récipient ouvert trois jours et remuer fréquemment. Puis fermer hermétiquement, entreposer dans une cave fraîche et attendre 2 à 3 mois. Ensuite vider sur un torchon ou un treillis, rabattre les 4 coins vers le milieu afin de pouvoir le suspendre et laisser égoutter une paire de jours.
Fouetter vivement pour obtenir une pâte homogène. Lo Lapet est alors prêt à être consommé. Ce produit familial n’est pas commercialisé. » (En Dralha, 1996).

Il existe deux manières de procéder pour conserver le Lapet. Celles-ci furent exposées par Juliette Andrieu dans le Journal de Millau en 1978 :

  1. Si le pot ou le bidon n’est pas entamé, le placer dans un endroit frais, à la cave par exemple. Il maintient toutes ses qualités pendant plusieurs mois.
  2. Nos grands-mères le conservaient sous la forme de lapet estouré (estouré veut dire égoutté). Pour cela, elles plaçaient le surplus dans des torchons bien propres qu’elles suspendaient après les avoir noués, afin que le produit s’égoutte à fond, en l’aidant au besoin par la pression des mains. Après cette opération, rondement terminée à cause des mouches, elles tassaient le produit dans des pots de grès ébouillantés. Après les avoir recouverts d’une toile ficelée autour de l’ouverture, elles retournaient chaque pot sur une assiette emplie de sable, afin que celui-ci absorbe tout ce qui pourrait rester de petit-lait. Le lapet ainsi traité peut se conserver un an. Il se consomme tartiné sur des tranches de pain bis ou du pain rassis. Pour ceux qui l’aiment, c’est un régal.

Marc Parguel

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