Millau. Les orientations budgétaires 2023 au menu du conseil municipal

Aurélien Trompeau
Aurélien Trompeau
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© Aurélien Trompeau

« On a fait les fonds de tiroir ». À elle seule, cette phrase prononcée lors du conseil municipal de jeudi dernier par Martine Bachelet, adjointe chargée des finances, illustre bien le casse-tête qu’a été l’élaboration de l’orientation budgétaire pour les prochaines années.

Un équilibre précaire…

Si la commune avait réussi à sortir des radars de la DGFIP grâce à un résultat plutôt encourageant en 2021, la crise économique vient fragiliser cet équilibre déjà précaire.

« Nous avons un mandat où on ne fait que gérer des crises » rappelle Emmanuelle Gazel, maire de Millau. « Cette année encore, c’est encore une mauvaise surprise avec la crise et l’augmentation de tout. Ce soir, nous présentons une orientation budgétaire qui a été difficile à élaborer, mais qui reprend les grands enjeux. On ne renonce à rien de nos engagements, ni sur le fond, ni sur les actes ».

Pourtant avec un encours de dette qui devrait atteindre 30 800 000 € au 1er janvier 2023 (contre 32 220 000 € en 2015) et des coûts qui explosent (revalorisation point d’indice des fonctionnaires, énergie, produits alimentaires, matières premières, travaux…), force est de constater que des efforts vont devoir être faits.

Martine Bachelet. © Aurélien Trompeau

Quelques chiffres

La dette

La dette est donc de 30 800 000 € au 1er janvier 2023 et devrait atteindre 31 130 000 € en 2026. La ville resterait donc sous le seuil critique des 12 ans de dette (11,55 ans). Pour les collectivités locales, la dette est exprimée en nombre d’années nécessaires au remboursement de cette même dette, si la collectivité y consacrait l’ensemble de son épargne brute.

Les investissements 

La capacité d’investissement de 25 700 000 € prévu en début de mandat sur la période 2021-2026 bondit à 29 912 000 € face à des surcoûts, en partie liés à la conjoncture. Un budget consommé par les projets déjà engagés et devant être poursuivis à hauteur de 15 471 000 € (Complexe sportif, gymnases, maison de santé, abords du complexe sportif).

Puis ce sont 5 265 000 € consacrés à la votation citoyenne (cœur de ville plus vert, rénovation cinéma, rues commerçantes valorisées, city-stade, pistes cyclables…). Enfin, l’entretien des équipements municipaux est estimé à 9 176 000 € (réparation véhicules, travaux bâtiments, rénovations énergétiques…).

Recettes, dépense et épargne 

Pour l’année 2023, la projection des recettes réelles de fonctionnement (impôts, dotations, taxes…) est de 29 930 000 €.

Pour cette même année les dépensent réelles de fonctionnement (achats, salaires, subventions, frais financiers…) devraient atteindre 26 804 000 €.

29 930 000 € (recettes) – 26 804 000 € = 3 126 000 € (épargne brute). Seulement, à cette épargne brute de 3 126 000 €, il est nécessaire de soustraire le remboursement d’emprunts à hauteur de 3 015 000 €. 3 126 000 – 3 015 000 € : 111 000 € (épargne nette). Il reste donc 111 000 € d’autofinancement, largement insuffisants pour financer les investissements.

Dans les faits

Pour pouvoir maintenir un équilibre et faire face aux surcoûts, il est donc nécessaire d’actionner plusieurs leviers.

Raisonner l’investissement

D’abord limiter l’envol de l’investissement, en réduisant les sommes allouées à certains projets et en en repoussant d’autres : aménagement du CRÉA (- 100 000 €), stand de tir (- 70 000 €), façade 16 Bd de l’Ayrolle (logique de revente,- 250 000 €), suppression du pumptrack (alternative aire des Cazalous, – 90 000 €), suppression d’un city stade (- 60 000 €), projet street workout (- 40 000 €, réduction de l’enveloppe).

En 2023, le total des investissements réalisés devrait atteindre 7 521 978 euros.

« Nous n’avons pas les moyens d’investir de manière démesurée comme c’était avant » commente Emmanuelle Gazel, « on investit de façon importante, mais a la mesure de nos moyens. »

Emmanuelle Gazel. © Aurélien Trompeau

Diminuer les coûts de fonctionnement

Baisse des coûts de fourniture, limitation des appels à des prestataires ou encore gestion optimisée des stocks, l’équipe municipale assure avoir passé chaque poste au peigne fin.

« Nous sommes obligés de réaliser des économies partout argument Emmanuelle Gazel. Cela commence chez nous en interne au travers des fournitures et des prestations. Nous nous engageons également à réduire de 10 % de la consommation des fluides. Tout cela en modifiant et mutualisant des lieux de travail et en diminuant la température dans tous les bâtiments municipaux sauf les écoles et les crèches… »

Baisse des subventions aux associations

La baisse des dépenses des structures extérieures est également une variante majeure de ce processus d’économie.

« Nous allons également demander des efforts à nos partenaires annonce Martine Bachelet, adjointe en charge des finances. Cela comprend la mutualisation des locaux prêtés aux associations, ainsi qu’une diminution des subventions au cas par cas ».

La mairie assure qu’il ne s’agira pas de diminutions systématiques, mais d’ajustements au cas par cas. Des décisions prisent après une analyse approfondie de données précises comme le nombre d’adhérents, l’état des comptes ou les projets en cours.

« À Millau, le niveau de subvention aux associations est de 177 € par an et par habitant poursuit l’élue. C’est bien au-dessus de la moyenne nationale qui est de 104 € par an et par habitant. Si on compare à d’autres villes moyennes, à Rodez on est à 59 € et Auch à 40 €. »

Une annonce qui peut affoler quand on sait l’importance du tissu associatif dans la vie économique, culturelle et sociale de la cité du gant.

Consciente de l’inquiétude que pourrait créer cette annonce chez les principaux intéressés, Emmanuelle Gazel se veut-elle aussi rassurante. « Ce sera au cas par cas pour ne fragiliser personne répète le 1er édile. L’idée c’est bel et bien de ne mettre en difficulté personne, mais d’aller chercher la solidarité de ceux qui peuvent. Même pendant le covid, la collectivité a continué à verser les subventions. Là, nous étudierons leurs projets, leur trésorerie, mais nous n’abandonnerons personne. Ce dialogue va prochainement s’ouvrir, l’analyse a commencé en interne. »

Les usagers mis à contribution

Les usagers seront eux aussi mis à contribution. Une contribution qui passe par la mise en place de tarifs différenciés pour les Millavois et les non-Millavois, pour l’accès à certains équipements comme la médiathèque par exemple.

Dans le même temps, la municipalité affirme vouloir continuer à protéger les habitants de la crise avec des mesures comme le gel du prix des repas scolaires et en portage, le maintien de la gratuité des transports ou la préservation des services publics. La Maire de Millau a une nouvelle fois garanti « qu’il n’y aurait pas d’augmentation des impôts » (stabilité du taux de fiscalité) pendant son mandat.

« La Ville reste fidèle à sa politique sociale et au maintien du service public en demandant un effort collectif qui est la condition pour ne pas mettre en péril tout le reste » a commenté Emmanuel Gazel.

Claude Assier, Christophe Saint-Pierre, Thierry Solier et Alain Nayrac,. © Aurélien Trompeau

L’opposition reste sceptique

Des orientations budgétaires qui ne sont pas du goût de tout le monde. Durant le conseil, l’opposition n’a pas manqué d’émettre de lourdes réserves quant au choix de l’équipe en place.

« C’est un budget primitif funambuliste que vous nous présentez là a argué Christophe Saint-Pierre. Vous nous faites du en même temps si j’osai dire. Vous nous dites vouloir préserver les habitants de la crise, mais vous nous annoncez une augmentation des tarifs municipaux. Ce n’est-il pas une augmentation seulement pour les classes moyennes ? D’autre part, comment laisser transport gratuit, alors que c’est une compétence de la Communauté de Communes ? Est-ce que ce sont l’ensemble des contribuables qui vont assumer ? Nous sommes interrogatifs sur les objectifs à atteindre, comme nous sommes interrogatifs sur mutualisation. Nous devons attendre des économies sur les charges de personnel, qui représentent 50 % de nos charges de fonctionnement, dans votre rapport. Enfin, nous sommes interrogatifs sur les baisses de subvention aux associations. Qu’en est-il des critères qui seront appliqués ? »

Autant de questions qu’Emmanuel Gazel a tout bonnement balayées d’un simple « Qu’auriez-vous fait ? ». Après l’orientation budgétaire, le deuxième temps de ce processus sera le vote du budget en décembre prochain.

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